mardi, novembre 01, 2016

MAINOMENOS-ANANKE

MAINOMENOS. Cy Twombly.



 Il est des songes dont on ne veut pas se réveiller. Il est des jours et des nuits qu'on ne veut pas lâcher sans extraire l'or, l'essence d'un corps. Mon corps, mon âme sont faits d'eau, j'ai tenté de retenir mon âme comme de retenir mes larmes avant de rendre les armes. Ananké m'a prise par la main pour me conduire dans une terre embrumée. Ananké a  guidé mes pas dans une forêt mouillée . Ananké, nécessité inaltérable, fatalité. Le froid m'a saisie dès que j ai mis les pieds dans son univers . Premier contact d'une main glacée prise sous mon aile pour la réchauffer. Mon plumage avait la couleur d'une écharpe rose dragée, parfumée, souple et douce enroulée sagement à son cou désormais . Dans la nuit, cette main je l'ai cherchée, cette main abandonnée reliée à un grand corps . Les terminaisons des doigts longilignes faits pour frapper la note juste me fascinaient, tout comme me fascinaient ces bras soyeux couleur de rose où s'entrelaçaient des veines bleues comme des souterrains dans des bois inconnus.  Corps étendus sous les draps, morsure du froid encore. Contempler le front lisse, la pureté du profil, la bouche mi-close un peu renflée dans la candeur du sommeil,  ne  pas le réveiller,  ne  pas  le briser , juste le regarder, ne pas lâcher l'or, avant le mal d'aurore. Et soudain, dans le sommeil, le tintement d'un rire. Laisser mon esprit divaguer dans ces champs magnétiques ensemble parcourus . La tête en arrière sur l'oreiller, l'humidité de la forêt, l'odeur de la terre, la terre rouge, les arbres  verts, nous n'étions pas seuls, la vérité était là bas . La vérité s'est élancée dans l'oeil de Dieux Antiques, Mercure, Mainomenos, le Rugissant et Cernunnos le Grand Cornu. Voyager au dessus du temple de pierre, les yeux rouges de l'insecte vrombissant à travers le brouillard. Chemin dans la brume, Tmolos ou Thor, pluie j'étais, femme je suis devenue.
La nuit encore, à bout de bras portée, violence du désir tenu de l'homme,  corps tordu, broyé sous les impulsions contraires, froid mordant, enveloppant, sentir monter  la sombre vague du plaisir . Corps-océan roulant sa masse opaque, cri inhumain déchirant la nuit, projetée  en avant, éjectée  de lui et de moi-même, Mainomenos, soudain,  me contemplant de ses yeux étincelants et me brûlant de son haleine. Sauveur, chargé d'immortalité, la Bête héroïque et puissante, et plus rien au delà de la Bête, au Rugissant abandonnée. Odeur de fièvre, sueur ruisselante, odeur chaude, essuyer son corps constamment surchauffé.  Etreinte de l'angoisse du monde, sanglots contenus lorsque encore en état d'épuisement  le désir nous rattrape. Ceridwen brûle nos fronts de son
baiser et  nous engloutit dans le sol glissant de la forêt pour y renaître à jamais.
Ananké, nécessité inaltérable, fatalité.

Aucun commentaire: