lundi, février 21, 2011

A Moment of Surrender : ateliers 2010/2011

 Photos by Séverine Gautier.
A Moment of Surrender

Marcher, suivre la rue, monter.
Eviter les crottes, les poubelles éventrées.
Frapper à la porter pour qu'on l'ouvre, écarter le rideau rouge, claquements de baisers sur les joues.
Gravir l'échelle, se faufiler entre les obstacles, se tortiller pour enfiler la robe.
Miroir blafard, rouge sur les lèvres de la fille en rouge.
L'échelle à nouveau, sens inverse, descendre.
Respirer, prendre de l'air, encore un peu.
Descendre...un peu plus profond à chaque respiration.
Agitation encore un peu, autour, puis le noir.
Fille en rouge dans le noir, voir les autres disparaître... les mains se joindre une dernière fois pour s'ignorer dans l'obscurité.
Descendre un peu plus profond encore, à la prochaine respiration, être sous l'eau.
Coeur ralenti, épiderme pétrifié, corps vitrifié.
Etrangère, autre, alien, la robe rouge prend vie.
Derniers frôlements dans l'obscurité, premiers pas dans la lumière.
Le sol sous les pieds, ressenti, l'espace devant soi, la chaise, là-bas, l'atteindre.
Lever les yeux, les affronter : les présents, les absents surtout, ceux qui vous regardent, vous scrutent, vous aiment, vous réchauffent contre leur sein pour mieux vous écraser.
Retenir, brider encore un peu l'animal furieux qui s'agite sous les côtes, puis le lâcher tout à coup.

Je mentais...JE MENTAIS !

Je vous emmerde tous, mon père, ma mère et toute la sainte famille. Et puis je t'emmerde surtout Toi là haut, qui m'observe depuis ta cachette. Tu voulais me voir, et bien vas-y, be my guest, fais-toi plaisir mon vieux. Regarde le mépris, entends la colère...

La colère n'est pas aussi rouge que la robe, elle est veinée de bleue, striée de noir. Elle prend les tripes, elle colle au corps comme une mauvaise sueur. Ne pas se laisser happer par elle, se maintenir en équilibre, encore un peu.



Je mentais, je ne vous aimais plus.

Je vous emmerde tous, jusqu'au dernier même si cela épuise, même si cela tue, même si la robe rouge reste suspendue dans le vide.


Laisser aller, émotion, désespoir.
Finir, très vite, sortir de la lumière, rejoindre la boîte noire et laisser la place.
Rendre les armes et tomber à genoux.

At this moment of surrender, I folded on my knees.

Rideau, porte, sortir. Aspirer l'air par la bouche.
Claquements de baisers sur les joues.
Sourire sans conviction.
Décliner les invitations, suivre la rue, descendre.
Eviter crottes et poubelles.
Photos by Séverine Gautier
Compter les minutes avant que la douleur ne s'efface.
Photos by Séverine Gautier
Ne pas voir les passants, qui eux non plus, ne vous voient pas.

dimanche, février 20, 2011

L'homme Pressé Atelier 2010 2011

Je continue la publication de mes textes rédigés en Atelier. Ecrire sans musique est impensable pour moi, j'intègre donc une petite soundtrack à écouter de préférence, en lisant.

Consigne : intégrer à son texte une ou plusieurs phrases assassines.


L'homme pressé.

Votre contact est désormais hors-ligne...

Hors-ligne...mais comment faire justement pour rester en ligne?? Garder le fil, la connexion, avec ce contact, mon contact, matérialisé par une icône sur l'écran de mon ordinateur. J'attendais vainement le changement de couleur de celle-ci, qui indiquerait qu'il serait enfin connecté, disponible, enfin EN LIGNE après toutes ces heures de veille.

Mais il avait toujours autre chose à faire, toujours des amis à aller voir, on l'appelait là, tout de suite, il fallait qu'il y aille. Non, il ne pouvait pas rester une minute de plus et non il ne pourrait pas se connecter demain soir ni m'appeler non plus...

Votre correspondant ne peut être joint. Veuillez rappeler ultérieurement.

Rappeler, je ne faisais que çà tous les quarts d'heure. Et pourquoi? Pour entendre son silence gêné, pour l'imaginer chercher des prétextes, des échappatoires et raccrocher, enfin, plus vite encore que précédemment.
Il y avait bien longtemps qu'il avait cessé de me dire "Je t'aime, viens je t'attends. Dépêche-toi, je meurs de te découvrir enfin, hayati." Je scrutais mon écran, à la recherche d'une ultime étincelle dans ses yeux, de l'esquisse d'un sourire qui découvrirait à nouveau ses dents blanches de croqueur de gazelles.
Mais rien... il ne me présentait plus qu'un masque plus sombre qu'une nuit de novembre. Sa voix avait perdu ses intonations caressantes, son accent, chaque jour un peu plus prononcé, prenait désormais une couleur métallique, quasi-germanique. Il finissait par ne plus comprendre le français ou peut être le prétendait-il, me forçant à communiquer mon désarroi en anglais.

What do you want from me? You're driving me insane, stop being so cruel. Are you listening to me? Are you fucking listening to me? Don't you dare hanging up on me, you son of a bitch!

Mais évidemment, ma fureur ne rencontrait plus alors que le vide, le vide d'une tonalité exaspérante, d'une ligne coupée, le vide du monde virtuel où nous nous étions par hasard croisés.

Il y avait longtemps que je ne dormais, ni ne mangeais. Mon miroir me renvoyait l'image d'une fille désemparée, délestée de l'armure de ses kilos en trop, creusée par les nuits sans sommeil et les repas à peine avalés.

Je voulais, je LE voulais tellement, plus que tout au monde, pourquoi, au nom de quoi est-ce que çà ne pouvait pas marcher? Je n'arrivais pas à concevoir que je ne pourrais jamais posséder ce seul et unique objet, cet homme vers lequel tout mon être tendait, que j'aimais pour la beauté du geste, moi, qui avait tout obtenu sans jamais rien demander jusqu'alors.

Une petite fille maigre, avide, refaisant surface après toutes ces années, le voulait pour elle, à elle, elle voulait l'annexer, l'enfermer à double tour pour qu'il ne puisse plus la fuir. Son coeur faisait des bonds d'animal furieux lorsqu'on lui disait que ce n'était pas possible, qu'il fallait être raisonnable. Elle me rongeait, elle aussi, je n'arrivais plus à la contenir, à la faire taire, cesser ses cris. Il n'y avait pas d'autre issue, il fallait que cela soit, sa volonté à elle ou ma volonté, peu importe.

Et pourtant... Un jour dans la boîte, l'email tant redouté. Quelques lignes...


Don't come. If you come anyway, I won't answer the phone. I'm away for the week end. I have no feelings for you. Just stay where you are.

Quelques lignes, jetées à la hâte, des caractères manquants ici et là, pas de signature.
Et moi aussi, jetée, comme de la vaisselle en papier après une fête, quand tout le monde est parti et qu'on est fatigué, jetée dans un sac poubelle noir et opaque avec un lien solide pour fermer.

Quelques mots dictés par le coeur sec d'un homme pressé...