mardi, janvier 22, 2013

Deaf penalty.


Atelier d'écriture  :  polyphonie téléphonique.


Rien au monde ne le fera changer d'avis. Je ramasse mon jean, mon tee-shirt et mes bottes. Il y a longtemps qu'il s'est rhabillé. Il joue avec son Iphone. Je ferme mon blouson, prends mes clés, oublie mon sac, il me le fait remarquer. Il m'a devancée dans le couloir. Nous montons dans la petite voiture grise, claquons les portes sans échanger un mot. Mes doigts anesthésiés ont du mal à la démarrer. La pluie tombe en rideau, toujours pas un mot. Machinalement, il examine les boîtiers des CDs vides. Ses yeux sont transparents. Sur le pare-brise, des nappes d'eau s'abattent en cadence. Voilà, déjà la bouche de métro. Ma bouche à moi est close, mes dents serrées. Il est sorti en trombe, je démarre.

C'est moi, il est parti. Je te rappelle, je te réveille? Non, tu as réveillé Jérôme, rendors-toi bébé. Je suis désolée, il est parti, c'est fini. Quoi? Oui, c'est fini, il m'a quittée. Pour de bon, cette fois? Oui, oui, pour de bon, il ne changera pas d'avis, c'est fini. Mais la semaine dernière, il dit que c'est mieux, pour lui et pour moi. Comment tu te sens, je ne sais pas, je ne sens rien. Quel connard, il t'a jetée comme çà, sans préavis, non on s'est disputé toute la journée, il t'a baisée avant? Oui, quel connard, la classe intégrale, il arrive, il te saute, il te quitte? Attends, j'ai un double appel.


Le kit main-libre glisse de mes oreilles, la voiture saute de plaque d'égout en plaque d'égout. J'ai heurté un trottoir.


Putain, tu nous as réveillés, on savait plus ce qui sonnait dans la chambre. Il m'a quittée, quoi? Il dit toujours çà , il ne le fait jamais, la semaine prochaine vous êtes à nouveau ensemble, et puis tu voulais le virer, rappelle-toi, tu avais préparé le texto. Si c'est fait, j'ai un double appel, merde je me suis trompée de bouton. Qu'est-ce-que tu fous, tu m'as raccroché au nez, il m'a quittée, tu es où?
Je rentre, je vais à ma soirée, tu veux pas venir? Non, suis pas en état, quel connard, il te mérite pas. Tu nous a fait la peur de notre vie, appeler comme çà, tu veux venir dormir à la maison, tu veux sortir avec moi? On n'est pas là mais on est avec toi. Coupe les ponts, vire tout son numéro, son Facebook, son Twitter, son Viber, son Skype, ne le vois plus, tu as compris.

Je gare ma voiture, je reste assise sous le déluge. Mon blackberry vibre, un texto.

"J'espère que tu es bien rentrée."