Atelier d'écriture : polyphonie téléphonique.
Rien au monde ne le fera changer
d'avis. Je ramasse mon jean, mon tee-shirt et mes bottes. Il y a
longtemps qu'il s'est rhabillé. Il joue avec son Iphone. Je ferme
mon blouson, prends mes clés, oublie mon sac, il me le fait
remarquer. Il m'a devancée dans le couloir. Nous montons dans la
petite voiture grise, claquons les portes sans échanger un mot. Mes
doigts anesthésiés ont du mal à la démarrer. La pluie tombe en
rideau, toujours pas un mot. Machinalement, il examine les boîtiers
des CDs vides. Ses yeux sont transparents. Sur le pare-brise, des
nappes d'eau s'abattent en cadence. Voilà, déjà la bouche de
métro. Ma bouche à moi est close, mes dents serrées. Il est sorti
en trombe, je démarre.
C'est moi, il est parti. Je te
rappelle, je te réveille? Non, tu as réveillé Jérôme,
rendors-toi bébé. Je suis désolée, il est parti, c'est fini.
Quoi? Oui, c'est fini, il m'a quittée. Pour de bon, cette fois? Oui,
oui, pour de bon, il ne changera pas d'avis, c'est fini. Mais la
semaine dernière, il dit que c'est mieux, pour lui et pour moi.
Comment tu te sens, je ne sais pas, je ne sens rien. Quel connard, il
t'a jetée comme çà, sans préavis, non on s'est disputé toute la
journée, il t'a baisée avant? Oui, quel connard, la classe
intégrale, il arrive, il te saute, il te quitte? Attends, j'ai un
double appel.
Le kit main-libre glisse de mes
oreilles, la voiture saute de plaque d'égout en plaque d'égout.
J'ai heurté un trottoir.
Putain, tu nous as réveillés, on
savait plus ce qui sonnait dans la chambre. Il m'a quittée, quoi? Il
dit toujours çà , il ne le fait jamais, la semaine prochaine vous
êtes à nouveau ensemble, et puis tu voulais le virer, rappelle-toi,
tu avais préparé le texto. Si c'est fait, j'ai un double appel,
merde je me suis trompée de bouton. Qu'est-ce-que tu fous, tu m'as
raccroché au nez, il m'a quittée, tu es où?
Je rentre, je vais à ma soirée, tu
veux pas venir? Non, suis pas en état, quel connard, il te mérite
pas. Tu nous a fait la peur de notre vie, appeler comme çà, tu veux
venir dormir à la maison, tu veux sortir avec moi? On n'est pas là
mais on est avec toi. Coupe les ponts, vire tout son numéro, son
Facebook, son Twitter, son Viber, son Skype, ne le vois plus, tu as
compris.
Je gare ma voiture, je reste assise
sous le déluge. Mon blackberry vibre, un texto.
"J'espère que tu es bien
rentrée."
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