mercredi, août 11, 2010

Sexe et Cité Phocéenne.


Atelier de Juin, les enfants... Sujet imposé, écrire une lettre imaginaire dans laquelle sera glissé un billet de dix euros...huhuhu...l'heure de la vengeance a sonné!!!


Cher Monsieur Bigorneau,
Voilà quelques mois, nous liâmes connaissance. Tout de suite, votre pouvoir de séduction a fait effet sur moi. Vous incarniez le charme de l'homme du Sud qui sait son affaire, avec vos tempes grisonnantes, votre bagou et votre veste en cuir négligemment enroulée autour de votre bras vigoureux. Il faisait grand-soleil ce jour-là, vous m'avez invitée à déguster un plateau d'oursins, sur le port de Carry-le Rouet, je buvais vos paroles ainsi que le vin blanc de la carafe fournie avec le menu.
Bien sûr, vous avez tout de suite eu la prévenance de m'informer que vous étiez marié, à une femme hélas gravement malade. Notre attirance, quoique platonique, s'en trouva renforcée.
Quelques jours plus tard, nous nous sommes retrouvés Chez Péron sur la Corniche. Vous aviez passé commande d'une bouillabaisse succulente et d'une bouteille de Cassis Blanc du Domaine de la Ferme Blanche millésimée 2000. Le coucher de soleil était magnifique et les pendants d'oreilles que vous m'aviez offerts absolument ravissants. Mais ce jour-là, je mis toute mon énergie à refuser vos avances, vous rappelant que l'amitié entre un homme et une femme était un bijou sans prix. A ce moment , vous m'avez gratifiée du plus savant et du plus passionné des baisers qu'il m'ait jamais été donné de recevoir.
Le lendemain matin nous partagions le petit-déjeuner sur la terrasse dévorée de lumière du Concorde Palm Beach, après y avoir passé notre première nuit ensemble. Vous aviez commandé un grand crème et j'y trempais mon croissant avec délice. Puis ce fut notre premier week-end, à l'Auberge de la Beaugravière dans la Drôme Provençale, vous avez prétexté une réunion régionale et éteint votre téléphone portable. On nous servit un menu exclusivement à base de truffes du pays et arrosé d'un Châteauneuf du Pape Blanc Vieux Télégraphe 2003. A ce moment-là, mon bonheur était presque parfait, vous étiez certes toujours marié et bien sûr dans l'impossibilité de quitter votre femme mourante, mais vous ne m'offriez que le meilleur et je vous en étais reconnaissante.C'est pour çà que j'ai très peu apprécié, espèce d'immonde salaud adultère, que lors de notre dernière rencontre vous demandiez à l'employée du Mac Donald's de Sainte Marthe si les menus à deux euros quatre-vingt dix étaient toujours disponibles. Certes votre épouse, en très bonne santé quoique enceinte de jumeaux, avait tout découvert, certes tout était fini entre nous mais ce n'était pas une raison. J'inclus dans cette lettre un billet de dix euros afin de vous dédommager de ce menu "Royal de Luxe", comme le prétend la publicité, et qui vous permettra de prélever, en outre, votre pourboire. J'ajoute que le dit pourboire me paraît disproportionné et sans rapport avec vos piètres performances sexuelles, le chiffre dix évoquant pour moi la taille en centimètres de votre pénis en érection multiplié par deux.
Bien à vous,
Caro Bradechi.

vendredi, avril 23, 2010

Analphabête

Texte Atelier de Mars : consigne indescriptible, en gros donner ses impressions à partir de l'écoute d'un Adagio de Barber. Bon moi je vous mets Bruce Springsteen à la place, chacun sa came...


Je ne connais pas la musique. Enfant, gamine, j'ai tapoté du piano, comme tout le monde, chez une Mme Luniewski dont le chien berger me mordillait les pieds. J'ai toujours eu très peur des chiens comme j'ai toujours eu peur du noir et des arbres agités par le vent lorsque tombe le soir. J'ai bien vite abandonné le piano, je me souviens, ma dernière leçon de solfège s'intitulait "Armure d'une gamme en dièse", soulignée en rouge et bleu. Mon professeur utilisait un de ces crayons bicolore au trait gras et épais. Je n'avais, n'ai toujours aucune idée de ce que c'est que l'armure d'une gamme, je ne comprenais pas, je n'ai toujours pas compris.
Je ne connais pas la musique, en tout cas je ne sais pas la lire, tout juste la chanter dans ma salle de bain ou dans ma salle de classe, c'est selon. Pourtant, je me souviens de ce prof de fac à la chevelure inculte qui nous disait "Tout art aspire à la condition de musique" et de nous citer en exemple, non sans ironie, un tableau de James Whistler Symphonie en blanc numéro un. Une fille blanche habillée de blanc sur un fond blanc, sponsorisée par Danone Nature, concluait-il, sûr de se tailler un beau succès auprès d'un auditoire conquis d'avance. Mais pas de titre, pas de sujet, juste un nom de partition, pour toucher le spectateur sans autre vecteur que celui de l'émotion.
Je ne connais pas la musique mais la musique me connaît. J'étais enfant alors, plus petite encore, avant les leçons de piano et de solfège. J'avais un de ces mange-disques orange tout à fait d'époque où je faisais jouer mes quarante-cinq tours préférés, des contes classiques dit par Claude Dauphin, François Périer et Christiane Minazzoli, je me souviens. Mon préféré était celui du Vilain Petit Canard dont je me sentais si proche, parce que trop petite, trop maigre, trop dans mes rêves et très maladroite déjà. Le Vilain Petit Canard, abandonné des siens, ne cessait de nager pour empêcher la glace de se former autour de lui sur l'air du Lac des Cygnes. Sur le final majestueux où les cuivres se joignent aux cordes, le Petit Canard voulait en finir et s'offrait en victime expiatoire à un groupe de cygnes blancs et évidemment, ces derniers l'accueillaient, le rassuraient, parce que c'était fini, il était devenu l'un des leurs, tout blanc d'une éblouissante beauté et à ce moment-là j'éclatais en sanglots. C'était le pathos de la musique, j'étais petite, c'était compréhensible, je ne connaissais pas le ballet, je pensais juste que c'était une histoire triste à mourir de petit canard rejeté par sa maman et je pleurais, pleurais sans m'arrêter.
Je ne connaissais toujours pas la musique non, j'étais bien plus âgée, bien plus forte, un corps de femme et une armure digne d'une gamme en dièse. J'avais ce corps dont je ne savais que faire, ces seins impossibles, impossibles à cacher, alors autant les montrer, autant les montrer et les imposer à tout le monde, mettre les décolletés les plus pigeonnants possible, autant passer pour la fille aux gros seins puisque manifestement j'étais, je suis toujours la fille aux gros seins.
Mes seins me précédaient donc partout où j'allais mais je m'étais habituée, j'avais presque vingt ans maintenant. La musique me prit à nouveau par surprise à ce moment-là, oui à ce moment précis, je me souviens de ce choc lorsque j'ai vu les doigts frêles d'une femme corsetée, émergeant de mitaines noires, courir sur l'ivoire des touches d'un piano abandonné sur une plage. Jamais un film ne m'a secouée autant que celui-là, une femme corsetée, prise dans l'entrelacs d'une forêt hostile et boueuse, d'une micro-société patriarcale où elle n'avait que le droit de lisser sa coiffure et rabattre ses jupons sur ses chevilles. La musique d' Ada, le personnage principal, explosait à la face de ce monde hypocrite, elle explosait, je redis le mot car il n’ y en a pas d'autres, en sensualité et en érotisme, d'ailleurs, j'ai retrouvé le nom du fameux thème musical The heart asks pleasure first, le coeur demande d'abord du plaisir, le coeur est un organe de feu pour citer Ralph Fiennes dans The English Patient. J'étais là, dans cette salle de cinéma, bouleversée par le personnage de Baines, interprété par l'immense Harvey Keitel, colosse au coeur d'artichaut, je dis ça mais c'est pour faire de l'ironie, Keitel me faisait pleurer autant que le Vilain petit canard lorsque nu et magnifique, il essuyait le piano de sa chemise. Je n'avais pas conscience que la réalisatrice satisfaisait le besoin de voyeurisme de son public féminin en le transformant, lui le macho des Scorsese et autre Abel Ferrara en objet sexuel. Non, qui a besoin de théoriser ça, faut-il être vraiment normal pour se poser la question? Baines était là nu et émouvant, bouleversé par la musique tel Swann dans le Salon des Verdurin "il avait pu éprouver une impression aussi confuse, une de ces impressions qui sont peut être pourtant les seules purement musicales(...) irréductibles à tout ordre d'impression.", lui l'analphabète, la page blanche, sur laquelle les phrases musicales d'Ada s'inscrivaient.
Cette musique, je ne la connais toujours pas, les années m'ont rendue plus cynique, plus ironique aussi, je me méfie de moi, même si mon armure de gamme en dièse est tombée par morceaux, lorsqu'elle ne servait plus. J'ai pris des claques artistiques et je m'en suis relevée, plus vite en tout cas que des claques amoureuses. Si la musique a provoqué, provoque encore des voluptés particulières, il suffit de surfer sur la vague numérique tard le soir pour revivre ces émotions presque instantanément comme si je pressais un bouton quelque part dans mon cerveau englué par le quotidien. Mon cynisme, -toutes les chansons racontent la même histoire, Unchain my heart, set me free, Mme Butterfly aurait dû faire un bras d'honneur à Pinkerton- disparaît comme par enchantement, et je pleure encore comme une Marianne James à la Nouvelle Star. C'était il y a quelques années, plus question d'enfance ni de sensualité en fleur, mon physique qui supportait, supporte toujours mal le second degré commençait à virer doucement à celui d'une matrone italienne, ce que je suis par atavisme. Je découvrais le poème "El Atlal", les ruines chanté par Oum Kalthoum. Cette chanson, ces mots que je ne comprenais pas, satisfaisaient mon besoin d'Orient de pacotille, celui des ryads, des moucharabiehs et des thés à la menthe que je connaissais si peu. J'ai lu Tahar Ben Jelloun, Isabelle Eberhardt, Alaa-al-Aswani, pour m'en approcher, toujours avec El Atlal dans la tête. La traduction, je l'ai cherchée plus tard et effectivement c'est toujours la même histoire. Le coeur est un chasseur solitaire, l'amour n'est, n'était qu'un mirage, servons-nous à boire en souvenir de ces ruines qui donnent le titre à la chanson. J'ai pleuré plus encore que toutes les autres fois, je pense que j'étais Dora Maar, la Niagara de Julien Clerc et Alice réunies en une seule personne, mes pleurs auraient pu noyer une famille entière mais j'ai surnagé, grandi, rapetissé et regrossi pour être là aujourd'hui.
Et maintenant?
Il y a deux jours, je surfais sur cette vague numérique, et j'ai ramassé comme un bout de bois flotté, cet air, ces paroles arrachées à la gorge de Bruce Springsteen, logées sous le bouton un peu déglingué du juke-box qui me sert de mémoire. Alors puisqu'il faut bien finir, autant finir sur ces mots-là.

"Come on baby and dry your eyes
Come on darling and dry your eyes
Come on darling and dry your eyes
Come on dream on, dream baby dream"

jeudi, février 18, 2010

Soir de curée.





Soir de Curée.

Le Provençal et le Méridional ont annoncé l'événement des jours à l'avance. Ils se sont mis au diapason des journaux télévisés d'Antenne 2 et de TF1. FR3 y a même consacré son édition régionale. Partout, partout, dans la douce Provence, les voilà qui avancent. On s'inquiète de l'émergence de cette nouvelle génération. Ils ont pour point commun de détester le soleil, la mer et leur région natale. Parlez-leur plutôt du son de la pluie contre les vitres en plastiques d'un pub sinistre de la ville prolétaire de Crawley, au Sud Ouest de Londres. Rien ne les rattache plus à la bonne ville de Marseille, à ses mouettes, à ses bonnes dames à l'accent chantant qui vendent du poisson sur le Vieux Port, mets de choix pour les télés nationales (les bonnes dames, pas le poisson).

En cet an de grâce 1987, qui sont donc ces hordes de désespérés? Qui sont-ils donc, reconnaissables entre mille à leurs cheveux crêpés, maintenus en l'air par de l'eau sucrée ou par les premières mousses coiffantes de Mme L'Oréal, à leurs ongles vernis de noir et à leur teint, ô combien  artificiellement pâle?  Qui sont-ils, eux qui repoussent avec dégoût leur assiette de pieds-paquets au désespoir de leur grand-mère?

On a tout dit ou presque sur ces hordes d'ados qui pratiquent des tentatives de suicide journalières, certaines juste annoncées, d'autres plus abouties, qui les conduisent parfois à avaler le contenu de  deux boîtes d'Euphytose arrosé de coca à l'aspirine. Mais regardez-les ce soir dans l'arène, clignant des yeux sous le resplendissant soleil de juillet, attendant le crépuscule avec passion. Regardez cette jeune fille, sa mère la supplie de s'acheter des vêtements neufs mais elle ne quitte plus son imper gabardine acheté cinquante francs à la fripe du coin. Sa voisine refuse catégoriquement de se débarrasser de son sac US effrangé couvert d'inscriptions mystérieuses : Seventeen Seconds, Faith, Pornography . Elle le serre contre elle comme s'il possédait des pouvoirs magiques. Et regardez-le lui, ce grand garçon dégingandé au pantalon si serré qu'on le croirait enfilé à l'aide d'un chausse-pied : il ne  quitte pas son peigne à moustache. Il raconte que ce peigne lui a été confié par un punk, qui l'avait trouvé dans la chambre d'hôtel de Sid Vicious, bassiste maudit et drogué jusqu'à la moëlle des Sex Pistols,  le soir où il a poignardé sa compagne Nancy Spungen. Mais il n'en est rien, ce peigne qui lui sert à crêper cette longue mèche noire  sous laquelle brille un oeil sombre souligné de khôl, ce peigne lui a été offert par sa tante Francine, qui tient la confiserie du Lycée Michelet et lui remplissait les poches de berlingots lorsqu'il était petit. Qu'importe, il continue de ne pas sourire mystérieusement, tandis que de la poche de sa chemise à damiers s'échappe la queue d'une souris également bicolore qu'il cache la nuit dans un des tiroirs de son bureau. Il n'ose avouer à ses parents qu'elle a mangé la couverture de son dictionnaire d'espagnol. Tous ont très peu de contacts entre eux, ils attendent debout épaule contre épaule, tétant parfois d'un air absent le même mégot qui passe d'une main aux ongles noirs à une autre ornée d'une bague à tête de mort.
 
Et puis soudain, une rumeur. "Il" est là, celui qui inspire toute cette génération de l'angoisse, cette "Angst generation", telle qu'on la décrit Outre-Manche. Mais de ce côté-ci du channel, ces biens chers enfants ont été bercés par Maritie et Gilbert Carpentier : ils n'en peuvent plus d'avoir du subir les numéros un de Dalida et de Michel Sardou réunis, période pré-télécommande.
"Il" gratifie l'audience d'un "hello" à peine audible puis entame son morceau sans même lever les yeux des chaussures, oui je suis un shoe-gazer et je vous emmerde. La foule s'électrise alors, les paroles viennent aux lèvres des adeptes, des paroles en anglais, bien sûr, que la plupart ne comprennent pas mais que les plus addicts traduisent en s'usant les doigts sur leur Robert et Collins. Une traduction qui ne lève pas le voile sur la signification ces lyrics murmurées dans un micro asthmatique. Qui est donc cette mystérieuse Charlotte Quelquefois qui passe son temps  à pleurer les yeux grand ouverts dans le noir? En quel lieu se trouve cette forêt mystérieuse, où  le chanteur passe son temps à courir après rien encore et encore et encore et encore? Et quel traumatisme a-t-il donc vécu pour s'agenouiller, les yeux toujours rivés sur ses godasses, presque en pleurs et murmurer  rattrape-moi si je tombe, je perds prise, je ne peux pas continuer ainsi ?  Et de conclure  : I walked away alone with nothing left but faith, je partis seul  au loin, avec rien, rien que la foi.
 
Et c'est ce qu'ils font en cette belle soirée du mois de juillet 1987, ils regagnent leur chambre sur la porte de laquelle ils ont accroché un  sens interdit, qu'ils ferment au nez d'une grand-mère, qui mourra dans deux ans mais qui pour l'instant se contente de lever les yeux au ciel en se disant que ça va passer.

samedi, janvier 02, 2010

ben oui....


L'année s'est achevée sans trop de fards ni paillettes, faut que je re-glamoure ma vie, un peu. Cette vraie vie qui m'a bouffée, aspirée ces derniers temps. Je n'écris plus que dans l'urgence pourtant quand je le fais çà me procure énormément de plaisir. Sais pas, me manque sans doute quelques coups de pieds au tafanari, c'est clair...Enfin bon, pour renouer avec la tradition voilà la changaidoll de la nouvelle année. Qu'elle te soit douce, ô lecteur égaré dans la blogosphère, comme un tapis de fleurs de cerisier sous les pieds de la geisha aux zieux gris du film éponyme...
changabaisers parfumés..