lundi, décembre 16, 2024

CANDY NEIGE

 



 

Lorsque j’ai appris que j’avais un cancer, l’automne dernier, j’ai cherché à tout prix des remèdes à mon angoisse. La saison s’y prêtait, j’ai appris la nouvelle le 18 novembre, j’ai été opérée une première fois le 4 décembre puis une autre le 16 janvier. Pile poil pour les pumpkin spice latte, les feuilles mortes, les plaids, les bougies parfumées et les séries doudous. Les danois appellent cela le hygge, prononcer « houga » je crois, créer une atmosphère chaleureuse et profiter des belles choses de la vie avec les personnes que l’on aime. Moi, j’étais dans mon lit, j’ai un matelas à mémoire de forme, on voit le creux qu’ a laissé mon cul désormais à force d’être couchée des jours entiers, oui ça c’était à cause de la chimio, diarrhée et nausée perpétuelle,  comme une énorme grippe intestinale, à scroller des heures sur mon portable. Alors pendant que l’hiver n’en finissait plus au dehors, moi je cherchais ce qui pouvait me faire du bien et ne plus penser à la douleur, au cancer et au gigantesque foutoir qu’était devenu ma vie en quelques mois. Mon bonnet sur la tête, je scrollais encore et encore, ignorant les messages de soutien qui s’accumulaient, qu’est-ce que je pouvais leur dire  à  ces gens? J’ai mal au cœur, j’ai la chiasse, des abcès à la chatte et je vous déteste tous parce que vous avez une vie et que je n’en ai plus ? Alors go scroller, gratter Instagram jusqu’à l’os, à la recherche inconsciente de  ce qui pouvait me redonner le goût de vivre ou du moins  de me battre, puisque c’était ça qu’il fallait faire, se battre contre le cancer mais quelle connerie, je te jure, je n’avais de contrôle sur rien, ce qu’il me fallait surtout c’était un tube digestif en état de marche parce c’est un secret qu'on ne te dit pas, si t’as la diarrhée, tu n’es plus rien, juste une loque qui a juste le temps de se jeter sur les toilettes, si elles sont pas trop loin. Alors je scrollais furieusement, tout défilait sur Instagram, les influenceuses cancer qui se rasaient la tête en chialant de grosses larmes de crocodile, d’autres qui te confiaient leur skin care routine pathétique ou leurs conseils stylistiques “ alors on va s’habiller ensemble pour aller en chimio, je vais mettre cette petite chemise couleur moka mousse, c’est la couleur tendance cet hiver, qui s’ouvre largement pour laisser passer le fil du cathéter, aux pieds mes birkenstock sabots camel que je vous ai déjà montrées et que j’ai depuis au moins trois saisons, très pratiques pour l’hôpital je rajoute ce joli bonnet en toile de bambou special chimio toujours en teinte moka mousse, ca fait un rappel sympa,  pour protéger mon crâne, c’est pas parce qu' on est chauve qu'on va se laisser aller et  sur mes lèvres le Bisou Balm, aujourd’hui j’ai choisi la teinte Golden Shower.”

 J’étais au bord du suicide ou du fait divers au choix. Un jour, l'algorithme, qui m’avait repéré comme Gen X, m’a proposé une image du manga « Candy », dont j’étais ultra fan au primaire . Bizarrement, c’était une image en noir et blanc, on y voyait Candy, cette héroïne blonde et espiègle à qui j’aurais voulu tellement ressembler, dans les rues de New York. La neige tombe et on peut lire “Terry Goodbye”, “This time it’s goodbye for real Terry”. C’était bizarre, cette image en noir et blanc, alors que le dessin animé était si coloré. J’ai alors compris que c'était sans doute extrait du manga original. Je me suis mise alors à cliquer, à la recherche de ce dessin animé que j’associais au bonheur de l’enfance, même si mes souvenirs de cour d’école n’étaient pas très heureux. Au primaire, j’ai été victime de ce qu’ on appelle aujourd’hui du harcèlement, sauf qu'à l'époque, ça s'appelait juste, tiens si on allait faire chier la fille avec les tresses qui lit tout le temps et qui est la chouchou de la maîtresse. J’ai rien à dire, plus tard, j’ai harcelé aussi et j’ai aussi fait chier des premières de la classe avec des tresses, lorsque j’ai découvert qu’il suffisait de s'habiller en noir, de mettre des bracelets à clous, de fumer et de dire des gros mots pour faire peur et qu’on me fiche la paix. Mais en février 2024, j'étais à la recherche de Candy Neige André, une petite fille, abandonnée bébé un jour de neige quelque part dans le Michigan. Une petite fille puis une jeune fille, un brin rebelle et super résiliente face aux épreuves de la vie : la séparation d’avec sa meilleure amie Annie, une couille molle de première, les brimades des horribles Elisa et Daniel et de leur famille de bourgeasses hyper toxiques, la mort de son amoureux Anthony suite à une chute de cheval (même si Dorothée nous a raconté a posteriori qu’il était juste blessé, de la merde oui !) et surtout son histoire d’amour impossible avec le Bad Boy suprême, j’ai nommé Terry Grandchester, le fils illégitime  d’un aristo anglais et d’une comédienne américaine. Je me demande maintenant avec le recul, comment on peut associer ce genre de séries à des feel good ou hooga moments, mais on était des Gen X, non ? Une génération où les adultes étaient remarquablement absents, pas hélicoptères du tout,  et ou à part mes parents, personne ne se souciait de ce qu’on pouvait regarder à la télé en buvant du Tang ou des saloperies équivalentes. Mon doigt aimanté par le portable quarante ans plus tard, s’est finalement arrêté sur Daily Motion où j’ai retrouvé Candy en quasi intégralité. Pour être honnête j’ai passé sur les épisodes d’enfance, chiants à mourir, la rencontre avec le Prince de la Colline, chelou limite pédocriminel, les Legrand têtes a gifles, et Anthony à la virilité douteuse, pour me concentrer sur les épisodes avec Terry, le Bad Boy qui fume des clopes, joue de l’harmonica et vole des baisers a Candy à la fin de l’été au bord d’un lac en Ecosse, agression sexuelle oui je sais, mais bon ça va un jour un mec m’a mis sa bite sur la tête à une soirée, y a carrément pire pour les Gen X. J’avais quand même dû rater un max d’épisodes à partir du baiser au bord du lac en Ecosse, parce que de là s’ensuit tout un bordel ou Candy et Terry passent leur temps à se louper, il est viré du collège où ils sont élèves en Angleterre, il s'enfuit aux USA, elle le rate lorsqu’il prend le bateau, elle le rate sur la colline où elle a été trouvée un jour de neige (et il neige ce jour-là), elle passe son temps à le rater, surtout qu’entre temps il est devenu star de théâtre (en vrai il joue comme une quiche, passons). Et lorsqu’ils se retrouvent enfin à New York,  une jeune comédienne folle amoureuse de Terry, perd une jambe en voulant sauver ce dernier de la chute d'un projecteur. Candy découvre tragiquement la situation et décide de s'effacer afin que Terry puisse s'occuper de celle qui S’EST SACRIFIEE (ce que ça peut me saouler cette expression aussi). Les deux jeunes gens, fous de douleur, se séparent en larmes, tout se promettant d'essayer d'être heureux. Il y a une fameuse scène dans l’escalier inspirée de « Autant en emporte le vent », je crois, où Terry saisit Candy par derrière et non ce n’est pas une agression sexuelle merde à la fin ! et pleure dans ses cheveux. Et elle part dans le New York enneigé,  prend un train en pleurant toutes les larmes de son corps. Et là, je vous jure, qu'à côté de cette situation affreuse, prendre un train sous la neige seule, et laisser derrière soi l’homme qu’on aime de tout son cœur et qu' ON NE REVERRA JAMAIS (et effectivement, elle ne le reverra pas, le Prince de la Colline, pédocriminel, va revenir, ce bâtard), le cancer, la peur de mourir, la chimio, la chiasse, la gerbe, les abcès à la chatte, la  boule à Z, tout ça c’est R, c’est du pipi de chat, j’ai pleuré ma race, quarante après, dans mon lit avec la forme de mon cul, tout ça parce que Candy Neige partait seule dans la neige et que c’était pas feel good ou houga du tout et que c’était juste affreusement triste et que oui, j’ai souffert de ma maladie mais qu’un cœur brisé ça fait vachement, terriblement, horriblement, plus mal.

dimanche, mai 05, 2024

Marseille it's so la France ! (dedicated to all the fashionistas who should go ailleurs). co-written with M. Lapin.

Marion and Sophie meet on Le Corbusier Rooftop in Marseille after the Chanel Défilé. 

Marion : Sweetie darling ! How are you ? Mwa, Mwa ! (exchange kisses)

Sophie : Refreshed ! I've just spent the most amazing week in Marseille. And you? 

Marion : The Chanel defile was sooo chic . So nice to see a bunch of stoque fiche as they say in Marseille se geler les alibofis on the toit terrasse of le Corbusier. It was 9 degrees and rainy. As they say here, it's like “la Bretagne au mois de Juillet”
Sophie : Marseille is so funny: The language is so colourful. I love it. 

Marion : I went to the Panier. No insecurity at all, I took selfies there and nothing was stolen from me. And the people, all these bad boys…. so charming. They had so many flattering words greeting me. "Salope…. rentre chez toi… va te faire enculer". So friendly.

Sophie : I discovered the best restaurant ever. The T., in the charming village of Les Goudes. The cutest little harbour you’ve ever seen. So real Marseille, only 70e for a menu with undercooked poulpe . Si cheap. The locals told me it was the best “arnaque” in town, it means good value for money. Their bar is amazing too. And the service is so marseillais they take your commande only after 45 mn. And they give you the order of the table next to you it’s very friendly, so you can exchange your 15 euro plate of panisses with your voisins. So authentic. And the viewwwwww, amazing, you can totally see the raie du cul of the real marseillais and their pastis bellies. And you can smell the chicha on the beach and walk on broken bottles, I tell you this is the real thing. 

Marion : Yeah, I went there too, but it’s a bit long 1h40 taxi ride from the Vieux Port and a bit expensive though… 250 dollars. But still, it’s so genuine, you know. So la France. People here are for real, you don’t mess with them. I am fed up with this fake Riviera you know. I need a break now, I need to stroll along Belsunce boulevard and experience the famous service à La Marseillaise in the bars. Somebody told me to go "niquer mes grands morts". I think it means « welcome and be my guest » in real francais. 

Sophie : How they say here, this language is very « fleuri »! 

Marion : In Belsunce, I saw a seagull eating a rat from a full poubelle, it’s s so trash chic. See it’s on my Instagram. It’s the new place to be regarding the PR officer.

 Sophie : The PR officer told me the real inspiration for Disney Ratatouille comes from a trip the director took to Marseille. He was impressed by the respect the authorities have for the animals by never cleaning the streets and the garbage. Sophie : I have an idea, let’s take the bus 83 to the Vallon des Auffes, it’s so crowded, we won’t be able to sit and it smells like bouillabaisse gone bad, j adore ! We should go and see the David or “Cul Mer, Vier Ville” as the locals call him !

 Marion : I think Cumer Vierville is an explorer. Somebody told me he discovered the famous calanques of La Vesse and Niolon. I read it on the ultimate blog about Marseille advised by the PR officer, it’s galejades_for_trouduc.com. Keep it for you

 Sophie : It’s just for insiders like us. Have some champagne, sweetie darling and then we'll take a ride on the 83 bus line and see what's shaking on the Corniche !

mercredi, août 02, 2023

Nager dans le bonheur. Dédicacé à tous les mâles alphas fan de VTT, de kite, de surf sous couette, de c*p*tes trop étroites et d'additions (presque) séparées !.






Nager dans le bonheur 


3 tableaux 

2 personnages principaux hétérosexuels cisgenres. 1 est un homme 2 est une femme,  rencontre via une appli a flamme orange. Tableau 3 : voix off de 3, homme hétérosexuel cisgenre au téléphone.


Tableau 1 


Au téléphone 


1  Salut !

2   Salut !

1 Tu fais quoi comme sport?

2 Comme quoi ?

1  Comme sport.

2 Heu, ben je …

1 Moi je fais du surf, du VTT, du kitesurf et de la planche à voile.

2 Ha c’est super mais en fait moi je…

1 Mais mon sport favori c’est le VTT.

2  C’est top mais alors moi j' en ai fait une fois et enfin bon c’est pas…

1 Faut que je fasse du vélo, du surf ou de la planche à voile. Mais j' ai pas le temps là je me barre avec les copains faire du snowboard, tu fais quoi samedi midi ? Je t’invite au resto après je me barre c’est le dernier week-end de neige de la saison donc je peux pas louper ça tu comprends? 

2 Oui bien sûr, alors samedi oui normalement je suis…

1 On va a la Gauloiserie c’est un resto qu' on m’ a conseillé, parait que c’est le top, allez à samedi, mets une robe et du rouge à lèvres,  hahaha !

2 Oui, en fait moi je suis plutôt pantalon parce que … 


1 à raccroché



Tableau 2 


Resto 


1 Bon ben ça fait plaisir de te voir en vrai, ça te va cette table ou plutôt celle-là ou alors viens, on prend celle-là .

2 Heu oui, au soleil c’est bien là.

1 Tu trouves pas que ça sent un peu la friture? Je m’y connais tu sais, j' ai fait les cinq continents moi, j’ai travaillé worldwide !  T' es déjà allée en Thaïlande? Putain tu bouffes pour 3 fois rien là bas ! Parce qu' ici, ça coûte une blinde, non mais ne te casse pas, je t'invite, prends ce que tu veux, mais c' est pas pour dire des panisses  à 8 euros ils se foutent de la gueule du monde. Tu voyages beaucoup toi?

2 Ben non pas tellement parce qu' en fait…

1 Je veux me barrer en Tunisie faire du kite surf, ça te dit la Tunisie tu connais ?

2 Ha ben non et justement je me disais …

1 Ha ben on y va ! Ça te dit? Moi tu sais c’est pour ça que les femmes m adorent, on m a jamais quitté d ailleurs, au bureau quand elle ont su que j étais célibataire elles étaient comme des folles.  Je suis un poète en plus.  T'es littéraire  toi? Moi j adore, je compose mes poèmes, mon kif c’est l alexandrin 

 Écoute  : «  N’ agissant qu'avec son cœur de pierres sèches elle / le transperça de sa beauté sensuelle » . T’aime ?  C’est de moi !

2 Je crois que le 2e vers n' a que onze pieds. ( elle compte)

1 Mais non on dit sen\su/e/lleuh c était comme ça qu' on le prononçait au temps de Corneille, tu connais Corneille, l’auteur de Phèdre  ?

2 En fait,  je crois que  Phèdre c’est Racine ..

Un temps

1 Bon la Tunisie, c’est bon? On part? T' es chaude? Parce que moi c’est comme ça, hop on y va, you know what I meanThe bill please, l' addition s' il vous plaît! Tu voulais pas de dessert au fait? Putain 8 euros un moelleux,  c’est du vol, sans déconner ils se croient à Manhattan ou quoi?  Ha merde, putain y a un os! 

2 Quoi ?

1 Ben c’est mort la Tunisie   :  tu fais pas de kitesurf.



Tableau 3 


Au lit.

1 check un parcours de VTT sur son Iphone 14, un bras passé autour du cou de 2

1 Alors ? Heureuse ? Je te l' avais pas dit ? “Nager dans le bonheur, surfer la ligne de cœur, la foufoune en fleur” . C’est ma devise ! Hein, tu sens comme on s' entend bien? Bon, j’ai galéré pour la capote, déso, j’ai pas tenu trop longtemps,  hein, c’est parce que j’ai la  base de la bite très large et en plus tu vois cette veine ? Ben, les capotes trop étroites, ça la comprime, le corps caverneux est mal irrigué et total je bande pas terrible, mais sans capote, je suis un Dieu, on essaiera la prochaine fois. 

2 Ben non, enfin moi je préfère avec parce qu’on est pas …

1 Et puis moi, je prends le plaisir de ma partenaire au sérieux!  T’as aimé le cunni que je t’ai fait, sans me vanter, je suis le roi du cunni, y en a même qui se sont évanouies !

2 Oui, oui, enfin moi il faut que ça dure un peu plus longtemps pour que je ...enfin…et puis t'étais pas vraiment sur mon...

1 Attends, attends, faut que je me concentre ! Alors, fais voir la météo ! Putain merde ils font chier!

2 Quoi?

1 Ben y a un épisode cévenol qui va s' abattre sur la région, la pluie, l’orage, quoi. Regarde la dépression la ( il montre sur son portable), c’est plein de cumulo nimbus.  Tu sais que moi j' ai posé des balises pour Météo France à 50 m de profondeur que je faisais de la plongée. Tu as vu mon carnet de plongée ? Je te le montre?  Il est épais comme ça !

1 Franchement, t’es pas obligé.

2  J' étais sur un bateau de Greenpeace on collait au cul des types qui faisaient du braconnage de rorqual bleu.  Tu sais celui qui est en voie de disparition ?

1  Non, mais quel rapport avec ta météo là? Il y a 60 millions d' espèces en voie d'extinction de toute façon ! 

2 Ben tu comprends pas? La pluie va tout raviner dans la combe de la Mole et la résurgence va tout inonder, et je pourrai pas faire de VTT .  Putain ! Quelle heure il est ? Il faut que je me grouille. Bon, ça va?  Heureuse ? Bon, je me tire, le week-end prochain je vais faire du surf mais on s' appelle et puis si j' ai une fenêtre de tir on se voit mais enfin tu vois , j' ai pas trop le time, carpe diem hein tu es d’accord ? ( il la regarde) T’as pas un bouton de fièvre la? Bon je préfère pas t' embrasser, je veux pas me ruiner le week-end, ça serait con. Bye.


1 sort. 2 reste seule .


Le téléphone sonne, au bout du fil 3 en voix off.


3  voix off : Salut 

2 salut

3 Tu fais quoi comme sport?


2 raccroche





vendredi, mai 19, 2023

FEMINA TRITA

 



Elle aussi, elle écrit. Elle écrit de chez les vieilles pour les vieilles et les moins vieilles, pour les MILFS, les Jennifer Coolidge qui n’ont pas de Golden Globes, enfin si mais pas les mêmes, celles qui ont des bouffées de chaleur et envie de baiser quand même, celles qui n’ont plus leurs règles ou plus d'utérus ou plus d’ovaires, de toutes façons à leur âge c’est pas grave mais qui se font quand même taguer sur les sites pornos #blonde #lunettes #grosseins #coquine.

Elle écrit de chez les femmes dont Yann Moix ne veut pas, ni Jean Luc Lahaye. DiCaprio et Brad Pitt c’est plus chiant, mais bon on survit. Elle écrit de chez les pas fraîches, de celles qui sont dans ton lit mais qui n’ont plus vingt ans depuis longtemps. 

Elle écrit de chez celles qui paniquent devant l’horloge biologique, de chez celles que la trouille réveille, le soir entre leurs draps roses trempés de sueur. 

Elle écrit parce qu’elle ne veut pas mourir, pas encore, pas tout de suite.


Elle écrit pour dire que elle aussi, elle a le droit de dire non quelquefois. Parce qu’elle les a dans son lit, ou elle les a eu, ou elle les aura, les petits copains des autres, ceux qui ne la draguent que sur Tinder et surtout pas dans la vraie vie. Oh, elle peut rester longtemps dans un bar, la nuit, au comptoir, décolleté, jupe de cuir et talons, elle sera bien tranquille, personne ne viendra, elle peut écrire “Guerre et Paix” sur son téléphone, personne n’en aura rien à foutre, elle se fera peut-être draguer par le serveur dans l’espoir d’un pourboire mais c’est tout. C’est quand elle rentre chez elle que sa vie commence, que son portable commence à vibrer au son cristallin de toutes ses notifications colorées. C’est la nuit que remuent des flots de messages sur fond bleu marine ou vert émeraude éclairés par la lueur laiteuse d’un écran qui rougit les yeux. 


C’est là qu’elle prend vie, c’est là que son pouvoir refait surface, pas qu’elle l’ait souvent eu le pouvoir, mais là, elle a l’impression de prendre les choses en main, quand le type a la vingtaine, un physique d’acteur prometteur, les yeux verts comme le feuillage d’un platane un soir d’été et la peau polie comme du bronze . Elle n’a jamais été foutu de faire attendre qui que ce soit, trop peur de lâcher la proie pour l’ombre, car oui, c’est une proie, ce petit minet friand de bonnes MILFS comme il disent et elle se voit en chasseresse, en Grande Mère, en Kali mangeuse d’Indiana Jones, ce genre de conneries qu’on se raconte alors qu’on va tout bonnement passer à la casserole et s’allonger bien docilement, comme on le fait depuis plus de trente ans, sans se demander si on en a VRAIMENT envie. Elle a découvert la zone grise en 2017 comme tout le monde, elle  a repensé à son dépucelage à l’âge de seize ans et demi, un vrai carnage, une douleur pas possible, sans capote bien sûr et elle a vite mis le mot de zone grise dessus pour pas en mettre un autre parce qu’elle a pas dit non et qu’après non plus, elle a pas dit non. Jamais personne ne disait non au  temps béni des colonies, du moment que le type était là, la main dans ta culotte, tu disais pas non, c’était toi qui l’avait laissé aller trop loin, c’était ta faute, donc ferme les yeux et pense à autre chose, comme ta mère et ta grand-mère et toutes les femmes auparavant jusqu’à la première qui s’est fait prendre en levrette par surprise au bord d’une rivière, ca lui apprendra a se balader le cul à l’air.


Quand elle ouvre au beau jeune homme au physique d’acteur prometteur à 1h du matin, elle n’est pas agneau terrifié mais femme puissante, géante aux pieds d’hématite, qui broie les hommes entre ses cuisses de déesse et les dévore tout crus. Elle est en plein empowerment, elle prend le contrôle enfin, elle a crevé le plafond de verre dans le secret de son alcôve, le pouvoir est là, à portée de main, sous la forme de la bite d’un mec qui a la vingtaine.


Le problème c’est le gag reflex, cette incontrôlable envie de gerber. Elle vient surtout quand on prend ta tête en te tirant bien les cheveux et qu’on enfonce un objet contondant, en l'occurrence une queue bien raide jusqu’aux cordes vocales en te disant “Suce !”. Et tout en essayant de te dégager mais bien sûr c’est pas facile, on peut dire ce qu’on veut sur l'empowerment y a un moment où malheureusement c’est pas suffisant, tu te traites de tous les noms. Tu ne lui en veux pas a lui non, pas à celui qui est en train de te violer, parce que même si tu n’as pas eu le temps de dire non et que par la force des choses là, tu ne peux plus, tu es loin d’être consentante, non, tu t’en veux à toi, parce que tu lui as dit de venir, tu lui as ouvert la porte et tu as joué le jeu, dentelle, jupe de cuir, talons haut et que t’as cinquante ans mais que t’as pas retenu la leçon, t’as pas écouté ta maman, t’as fait entrer le loup dans la bergerie et que c’est bien fait pour ta gueule. Tu l’as fait venir parce qu’il est beau, jeune et prometteur et qu’il te donne l’importance que la société te refuse et t’a toujours refusé. Et puis de toutes façons, qui te croira ? Estime-toi heureuse qu’il s’intéresse à toi, tant pis pour les cordes vocales, un peu de miel et ca ira. On te jugera, on te haïra, pire que Madonna dans ses vidéos Tik Tok, ferme ta gueule vieille peau, sorcière, on va te foutre au feu comme un vieux fagot avec ta peau sèche comme un croco, tu vas flamber tout de suite. 


Alors c’est ce qu’elle a fait. Elle a bien fermé sa gueule et laissé d’autres l’ouvrir à sa place. Mais aujourd’hui c’est fini, aujourd’hui elle écrit, elle aussi.


mercredi, novembre 23, 2022

PORNEIA.

 PORNEIA



Elle


Je t’aime, je te mange, je te gobe, j’avale ta blessure.


Je t’aime, je te veux, je te jette, je remplis ta fêlure.


Je t’aime, je t’ai horreur, je t’ai pitié, je recouds ta déchirure.



Lui


La chair est triste, elle est sinistre et déchirure


Nous saborde, nous emporte dans les lèvres de sa blessure.


Nous spirale, nous  vertige, liquide noir des fêlures.



Eux


Nous naissons hérétiques, déviants, hybrides arborant nos fêlures


Nos yeux vairons, nos corps humides, taches de naissance, déchirures.


Nos nuits sans fin, nos verres sans fond, nos cendriers pleins de nos blessures.


samedi, février 19, 2022

Atelier Salammbô épisode 3

Les premières lueurs du soleil implacable n’allait pas tarder à nimber d’or pur les arêtes des minarets de la ville. Bientôt, retentiraient les appels du muezzin pour la sunnat al shob la première prière du matin. Allongée sur la paille fraîche, Valina avait retiré ses oripeaux. Je détaillais la perfection de son corps, ses pieds exquis comme des bibelots de porcelaine, ses mollets ronds, ses longues, cuisses fuselées, son sexe épilé au caramel, lisse comme un coquillage poli par le ressac, son ventre moelleux comme un coussin de satin, ses seins, enfin, lourds et fermes, ornés d’un délicieux bouton de rose. Sa bouche était renflée comme celle d’une enfant, sa chevelure dénouée rappelait celle des femmes au bain que l’on voit dans les tableaux vénitiens. Je me rapprochais d’elle, ôtais mes vêtements crasseux. Une cruche était à portée de ma main. J'humectais mes lèvres puis entrepris de faire boire ma compagne. Elle ouvrit ses yeux clairs, sortit sa langue rose corail, franchissant la délicieuse barrière de ses petites dents perlées. Je pris alors une gorgée d’eau dans ma bouche. La tête penchée sur elle, je posais mes lèvres sur les siennes satinées à souhait et entreprit de remplir sa gorge du liquide réchauffé par mon palais.

mercredi, février 16, 2022

Atelier Salammbô épisode 2

À la nuit tombée, je finissais de huiler la serrure de la porte donnant sur les remparts sud de la ville. Une fois la fiole dissimulée sous mes vêtements, j’introduisis la clé dans l’orifice avec précaution et la fis tourner sans un bruit. Silencieuses et souples comme des panthères, mes deux compagnes, Aichata et Valina me rejoignirent. Les seins bandés, délivrées de leurs voiles multicolores, la chevelure dissimulée sous un épais bonnet de laine, elles ne laissait rien paraître de leur féminité. Sur un de mes signes, la première s’engouffra dans l’ouverture d’où parvenait une odeur pestilentielle de boyaux en décomposition. Comme je m’apprêtais à franchir le seuil, je sentis une main implacable sur mon épaule, tandis qu’un ordre sec claquait à mes oreilles. “Arrête, femme.” La poigne qui me maintenait appartenait au Grand Eunuque, responsable sur sa tête du harem du sultan. Cette serre sur mon cou, me dégoûta au plus profond de moi-même, plus jamais je ne me laisserai emprisonner entre quatre murs. Je me retournai pour faire face . Je vis son visage se figer et se déformer en une grimace atroce. Sa bouche s’ouvrit et laissa jaillir un hoquet puis un flot de sang noir qui éclaboussa mes braies de grosses toiles. Lorsqu’il s’écroula dans le parterre de roses trémières, je sentis une main fraîche sur mon épaule à l’endroit où la serre du Grand Eunuque s’était naguère posée. “Viens” souffla Valina à mon oreille. Sans chercher à comprendre, je la suivis. Plus rien ne comptait que son souffle de vie à mon oreille comme un appel d’air pur. Nous plongeâmes, sans une hésitation, dans le tas d’immondices qui se trouvait derrière la porte. Des carcasses de moutons s’y décomposaient, exsudant une boue rougeâtre qui se mêlait à la paille souillée en un fumier malodorant. Déjà, des profondeurs du palais, retentissait l’appel à l’hallali. L’impensable s'était produit : des femmes avaient quitté le harem! Étroitement enlacées dans la fange sanglante, Valina et moi luttions pour ne pas nous y engloutir. Je ne savais pas ce qu'il était advenu d’Aichata, notre compagne. Soudain, un cri atroce de femme frappée à mort, monta de l’épaisseur de la nuit. Pas une seule seconde, je ne pus m’attarder à imaginer la chute du corps sur les marches de marbre, le gargouillis du sang remplissant peu à peu les poumons, et les mains battant faiblement l’air comme des poissons à l’agonie. Seul comptait le souffle précipité de Valina à mon oreille. Avant l’aube, les cris de la ville avaient cessé de résonner à nos oreilles. Cachées dans une réserve à sel du Mellah, le quartier juif de Meknès, nous attendions que nos complices viennent nous faire signe. Nous partirions et gagnerons le désert une fois la nuit tombée.